Pour ce premier numéro, Les Infiltrés se
sont intéressés à un "système" que tout le monde connaît, mais dont
personne ne peut imaginer l’univers kafkaïen : Pôle emploi. Un sujet
d’actualité s’il en est, au moment où le nombre de demandeurs d’emploi
ne cesse d’augmenter.
L’une de nos journalistes a réussi à intégrer une agence importante d’une grande ville française : une embauche sans vraie sélection et avec une formation sur le tas. Dans le même temps, l’agence remerciait des agents formés qui finissaient un CDD de deux ans…
Jour après jour, cette infiltrée a découvert la réalité du quotidien des conseillers de Pôle emploi, en sous-effectifs chroniques, écrasés par la bureaucratie et des directives inapplicables, parfois à la violence, et scandalisés par la politique du chiffre. Elle a découvert comment le système "oubliait des chômeurs" jugés incasables, et dont aucun conseiller ne suivait le dossier. Et pourtant les agents font régulièrement preuve de dévouement et n’hésitent pas à trouver des solutions aux demandeurs d’emploi grâce à une bonne dose de système D.
Parallèlement à ce tournage en infiltration, une autre équipe de journalistes a, durant quatre mois, fait des demandes officielles de tournage dans une agence Pôle emploi pour pouvoir rencontrer des agents, discuter de leurs conditions de travail et les filmer dans leurs activités. Ces demandes à la direction de la communication de Pôle emploi n’ont pas abouti, l’organisme ne souhaitant pas donner d’autorisation de tournage…
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DANS LES ROUAGES DE POLE EMPLOI
Aujourd’hui, Pôle emploi accompagne plus de 3 millions de personnes,
presque un million de plus qu’il y a quatre ans au moment de sa
création. Pour faire face à cette vague, l’organisme a recruté des
agents en CDD d’un an dans le courant de l’année 2012.L’une de nos journalistes a réussi à intégrer une agence importante d’une grande ville française : une embauche sans vraie sélection et avec une formation sur le tas. Dans le même temps, l’agence remerciait des agents formés qui finissaient un CDD de deux ans…
Jour après jour, cette infiltrée a découvert la réalité du quotidien des conseillers de Pôle emploi, en sous-effectifs chroniques, écrasés par la bureaucratie et des directives inapplicables, parfois à la violence, et scandalisés par la politique du chiffre. Elle a découvert comment le système "oubliait des chômeurs" jugés incasables, et dont aucun conseiller ne suivait le dossier. Et pourtant les agents font régulièrement preuve de dévouement et n’hésitent pas à trouver des solutions aux demandeurs d’emploi grâce à une bonne dose de système D.
Parallèlement à ce tournage en infiltration, une autre équipe de journalistes a, durant quatre mois, fait des demandes officielles de tournage dans une agence Pôle emploi pour pouvoir rencontrer des agents, discuter de leurs conditions de travail et les filmer dans leurs activités. Ces demandes à la direction de la communication de Pôle emploi n’ont pas abouti, l’organisme ne souhaitant pas donner d’autorisation de tournage…
INTERVIEW DU REDACTEUR EN CHEF
Jean-Paul Billaut travaille à l’agence CAPA depuis
1989. Tour à tour journaliste reporteur d’images, cameraman, réalisateur
et rédacteur en chef, il reprend les rênes du magazine d’investigation Les Infiltrés, dont France 2 s'apprête à diffuser la troisième saison durant le mois de février. Explications.
Les Infiltrés reviennent pour une troisième saison. A quoi vous attaquez-vous cette année ?
Nous allons commencer par nous intéresser à Pôle emploi, un sujet d’actualité s’il en est. Aujourd’hui, Pôle emploi accompagne plus de trois millions de personnes. Presque un million de plus qu’au moment de sa création, en décembre 2008. L’une de nos journalistes a réussi à se faire embaucher dans une agence importante d’une grande ville française.
En infiltrant Pôle emploi, on prend conscience de l’absurdité des réglementations, des changements successifs, des organisations et des méthodes de travail qu’on impose aux agents de Pôle Emploi. On réalise combien le système est absurde et pousse les agents à trouver des parades, ne serait-ce que dans le cas du suivi mensuel personnalisé pour lequel ils ne disposent que d’une demi-journée par semaine. Un temps bien insuffisant pour rencontrer les cent cinquante chômeurs, dont chaque conseiller à la responsabilité. Et même si les agents ont mis en place un suivi téléphonique pour compenser ce manque de temps, cela ne fonctionne pas davantage. Notre infiltrée s’est retrouvée face à des agents qui avaient le sentiment de ne rien maîtriser.
Et pourtant, ils se démènent, ils cherchent des solutions...
C'est ce qui est formidable dans cette situation un peu kafkaïenne. Ces agents sont très investis. Ils restent à l'écoute des chômeurs et se décarcassent pour trouver des solutions. Tous ont envie de bien faire, mais le système ne leur permet pas de faire correctement leur travail, de s’épanouir et de savoir s’ils ont servi à quelque chose.
En 2009, lors de la remise du Laurier Information TV, Hervé Chabalier avait dit que « Les Infiltrés dénoncent un certain désordre établi, qui ne peut prospérer que sous les paravents de la dissimulation »… Une citation très à propos lorsqu’on découvre ces images.
Complètement. Dans le cas de Pôle emploi et des autres numéros diffusés cette année, on comprend qu’on n’est pas face à des comportements délictueux et indignes, mais que c’est bien le système qui est responsable de ces situations. C'est un système qui broie autant les usagers que les agents.
Aviez-vous imaginé découvrir une telle situation en préparant le sujet ?
On avait une petite idée, mais on n'imaginait pas que le diable se nicherait dans les détails. En nous retrouvant au cœur du système, on a pu découvrir certaines incohérences et comprendre pourquoi cela dysfonctionnait parfois. On a réalisé qu’une institution telle que Pôle emploi peut maintenir ses agents dans la précarité en décidant d’embaucher de nouveaux conseillers qui ne sont pas formés, tout en remerciant des personnes expérimentées, dont les contrats arrivent à échéance. Ces agents, qui ont en charge des personnes en grande précarité, peuvent se trouver eux-mêmes dans une situation instable et vulnérable.
Dernière question : qu'est-ce qu'un bon infiltré ?
Une personne capable d'exercer son métier, en l'occurrence celui de journaliste, tout en ayant la capacité de s'adapter très rapidement aux codes de l'organisation qu'elle intègre. Savoir attendre, être opportuniste, profiter d'une conversation pour en savoir plus sans éveiller de soupçons.
Propos recueillis par Clotilde Ruel