Le sparadrap du capitaine Haddock
De conflits en promesses et déclarations, le dossier Arcelor Mittal de Florange dure depuis 18 mois.
En jeu, l’avenir d’un site industriel sidérurgique alliant deux filières : la chaude (les hauts fourneaux) et la froide (le laminage). Donc l’avenir également des emplois concernés.
Un industriel, Mittal, lourdement endetté et dont les résultats financiers priment sur l’activité industrielle. Il faut d’ailleurs noter ici que lorsque les hauts fourneaux ne fonctionnent pas, Mittal gagne de l’argent sur les marchés financiers en revendant les quotas de CO2 non utilisés ! Un industriel guère réputé, par ailleurs pour tenir ses engagements et qui raisonne mondialement, au-delà des gouvernements qui ne semblent guère l’impressionner.
Ainsi, quand il a fermé Gandrange, il s’était engagé à investir 320 millions d’euros sur Florange, ce qui n’a pas été fait.
Il
y a moins d’un mois, à l’occasion d’un déplacement en Moselle, je
m’étais prononcé en accord avec la fédération des Métaux, l’Union
départementale et notre syndicat pour une réquisition du site. En effet,
Mittal ne veut plus des hauts fourneaux mais veut conserver la filière
froide et les repreneurs éventuels sont intéressés par l’ensemble du
site.
Nous
rappelions, ce faisant, que la loi annoncée comme pouvant obliger un
industriel à vendre un site et non à le fermer était toujours attendue.
Il est vrai que le projet était prêt mais que l’ex secrétaire général de
la CFDT voulait le négocier avec le patronat !
Aussi
lorsque le ministre du Redressement productif annonce une
nationalisation temporaire et l’existence d’un repreneur pour l’ensemble
du site, nous appuyons publiquement ce choix.
Soyons
clairs : nous ne pouvons penser un seul instant que cette annonce ne
soit qu’une déclaration sur un coup de tête. Elle a été travaillée
financièrement et juridiquement compte tenu du contexte, un dossier
était prêt. Il s’agit là d’une réponse stratégique et industrielle
relevant du rôle des pouvoirs publics s’ils veulent effectivement
reprendre la main sur les marchés. D’où l’espoir qu’elle a suscité chez
les salariés concernés.
Ajoutons
encore que pour qu’une telle annonce soit faite, on suppose aisément
qu’aucun feu rouge n’avait été allumé ou brandi « au-dessus » du
Ministère concerné.
Patatras !
Matignon annonce qu’il n’y aura pas de nationalisation temporaire et
qu’un accord avait été trouvé, vite fait bien fait, avec Mittal.
Un
accord qui fut rendu difficilement public et qui a reçu une volée de
bois vert de la part des salariés et des syndicats notamment, dont FORCE
OUVRIERE, le secrétaire du syndicat et Walter Broccoli l’ayant
qualifié, en disant que c’était du vent, une coquille vide.
De fait, Mittal a obtenu ce qu’il voulait, c’est « Mittal gagnant » comme le disent les guignols de l’info.
Les
hauts fourneaux ne redémarrent pas, le projet Ulcos est repoussé, les
sommes annoncées correspondent pour l’essentiel à de l’entretien,
d’autres sites sont touchés tel que Basse Indre.
Si le gouvernement pense que, ce faisant, il échappera à d’autres demandes de nationalisation, il se trompe.
Le choix gouvernemental est une erreur.
Que représente le 1 milliard d’euros annoncé par rapport aux 20 milliards d’euros accordés aux entreprises sans contrepartie ?
Pour
toutes ces raisons nous considérons que le dossier est loin d’être
clos, ainsi que la nationalisation temporaire. Le fait qu’il n’y ait pas
de plan social, mais des départs en retraite et des départs
« volontaires » est loin d’être suffisant.
Une
stratégie industrielle publique, indispensable, implique une volonté
publique et des actes. Ce qui n’est pas le cas et cela risque d’être,
pour le gouvernement, le sparadrap du capitaine Haddock, celui dont on
n’arrive pas à se débarrasser.
La vigilance, comme la résistance s’imposent donc.
C’est
aussi, par exemple, le cas sur un autre dossier industriel, celui
d’EADS, où le gouvernement vient d’accepter de réduire le poids de
l’Etat français de 15 à 12% à la demande du gouvernement allemand, EADS
devenant de fait, plus dépendante des marchés financiers.
Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Jean-Claude MAILLY
Secrétaire général
FORCE OUVRIERE
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