« Nice-Matin » : une reprise par les salariés sous l'ombre de Tapie
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Par Alexis Delcambre
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Nice-Matin n'est plus en redressement judiciaire, et son destin va désormais emprunter un chemin original. Vendredi 7 novembre, le tribunal de commerce de Nice (Alpes-Maritimes) a attribué le quotidien régional déficitaire à un groupe de salariés porteurs d'un projet de reprise sous forme de SCIC (société coopérative d'intérêt collectif).
Parmi les trois projets de reprise encore en lice après six mois de
procédure, la SCIC était celui qui préservait le plus grand nombre
d'emplois. Les salariés devenus actionnaires se sont engagés à procéder à 159 départs (soit 14,5 % des effectifs) qui seront tous volontaires.
Les deux offres concurrentes étaient plus sévères : le trio associant
l'éditeur belge Rossel, le groupe Marzocco et l'homme d'affaires
Iskandar Safa prévoyait 376 départs, quand le financier Georges Ghosn
tablait sur 228. Ce critère a manifestement pesé lourd auprès du
président du tribunal de commerce.
La SCIC a également su convaincre
sur le terrain financier, grâce à son allié de circonstance : Bernard
Tapie. Sur les quatorze millions d'euros de financements récoltés par
les salariés, huit millions (dont la moitié n'est que prêtée) sont
fournis par l'homme d'affaires, actionnaire principal du quotidien
voisin La Provence.
ROBERT NAMIAS PRESSENTI AU DIRECTOIRE
Mais ce soutien n'est pas gratuit. Il va permettre à M. Tapie de mettre la main sur le rentable Corse-Matin, dont la propriété était jusqu'ici partagée entre Nice-Matin et La Provence, pour quatre millions d'euros, soit une valorisation assez basse du quotidien insulaire.
Pour quatre millions supplémentaires, pour le moment prêtés, M. Tapie pourra récupérer un joli patrimoine immobilier correspondant aux murs de plusieurs agences de Nice-Matin, à Monaco ou Saint-Tropez, sur lesquels ce prêt est gagé.
C'est enfin un proche de M. Tapie, Robert Namias, ancien cadre du groupe TF1, qui va devenir le directeur général du nouveau Nice-Matin.
Car si la SCIC sera majoritairement détenue par les salariés, ceux-ci
en délégueront la gestion. Cette influence de Bernard Tapie, qui ne
deviendra cependant pas actionnaire de la nouvelle société, laisse planer des zones d'ombre sur le projet.
Il n'en demeure pas moins que le choix du tribunal de commerce vient aussi récompenser le « projet social d'intérêt général » défendu par un groupe de salariés énergiques, qui ont su susciter
une mobilisation autour d'eux. Au sein de leur financement, 2,3
millions d'euros viennent de sacrifices que des salariés ont acceptés
(sur leur treizième mois de rémunération) et 480 000 euros ont été
collectés auprès du public, via une plate-forme de dons et lors d'une
vente aux enchères.
Toutefois, le plus difficile commence. Ils vont devoir redresser
très vite une entreprise qui perd un million d'euros par mois et dans
laquelle aucun développement important n'a été engagé ces dernières
années, en particulier sur le numérique. Celui-ci ne représente que 2,5 %
du chiffre d'affaires global alors qu'en huit ans, la diffusion de Nice-Matin a chuté de 23 % et celle de Var-Matin de 13 %.