Philippe Hersant
L’avenir
du Groupe Hersant Média (GHM) – un des principaux groupe de presse
régionale en France et actionnaire de La Provence – est en train de se
jouer en ce moment au ministère de l’Economie et des Finances. Encore
hier, la négo a duré toute la journée à Bercy, mais aucun accord n’a été
trouvé.
Les données du deal sont connues
: GHM étranglé par une dette bancaire de 200 millions d’euros, cherche à
fusionner une partie de ses actifs (La Provence, Nice Matin,
Corse-Matin, l’Union de Reims, l’Est Eclair, l’Aisne Nouvelle), avec le
groupe Belge Rossel qui apporterait de son côté ses 65% de la Voix du
Nord et du Courrier Picard, dans une société commune détenue à 50/50 par
les deux groupes, mais qui serait managée par les Belges.
C’est Jean-Marie Messier, l’ex-patron de Vivendi et aujourd’hui reconverti en banquier d’affaires dans
sa boutique Messier
Maris et associés, qui est à la manoeuvre pour le compte de Philippe
Hersant, actionnaire majoritaire et « chef de famille » dans GHM. Cet
ancien inspecteur des finances connait par coeur les haut-fonctionnaires
de Bercy et les 17 banquiers de GHM – dont la BNP et Natixis – qui sont
en face de lui dans la négo. Dans cette partie de poker chacun essaie
de faire pression comme il peut. Les fuites sont nombreuses, et les
rumeurs courent les salles de rédaction.
Le spectre du dépôt de bilan
Vendredi dernier, la journaliste média de La Tribune Sandrine Bajos lançait
une vraie bombe en
annonçant qu’un dépôt de bilan de GHM, faute d’avoir trouvé un accord
entre GHM et ses banquiers était possible. Car les belges de Rossel
veulent bien des actifs de GHM, mais pas de ses dettes. Du coup, Messier
et Hersant font pression sur les banquiers pour qu’ils s’assoient sur
une partie des 200 millions. Mais le timing est très mauvais pour le
clan Hersant.
Car entre-temps, leur filiale de presse gratuite, la Comareg vient d’être liquidée,
entrainant le licenciement de 1600 salariés.
Et les Hersant semblent trainer des pieds pour participer à
l’indemnisation de leurs ex-salariés, notamment en allant au-delà de
leurs indemnités légales, malgré des engagements qui auraient été pris
auprès de Xavier Bertrand, ministre du Travail, comme le dénoncent les
syndicats de la Comareg sur
leur blog crée pour l’occasion.
Les confettis de l’Empire
Mais
sous pression, le résident fiscal suisse Philippe Hersant semble avoir
mis un peu d’eau du lac Léman dans son fendant. D’abord il aurait
accepté de mettre en vente une partie de ses titres de presse
d’Outre-Mer,
les confettis de l’Empire, aux Antilles, à Tahiti
et en Nouvelle-Calédonie, qui ne font pas partie du deal belge et
étaient destinés au départ à rester aux mains des Hersant. On ne connait
pas la valeur de ces titres ultra-marins, car le groupe s’est toujours
refusé de communiquer ses chiffres, mais ils sont réputés être toujours
rentables, même si le robinet à pub des institutions territoriales de
ces Dom et Tom, qui s’est déversé à flot pendant des années dans les
pages de ces journaux s’est largement fermé ces dernier mois. La crise
n’est pas moins forte au soleil.
La difficulté consiste donc à
trouver, et rapidement, un acheteur pour des médias qui sont bien loin
des investisseurs basés en métropole et dont les potentiels repreneurs
locaux sont peu nombreux. C’est alors très difficile aujourd’hui de
savoir si cette vente se ferra et combien elle pourrait rapporter à GHM.
Pas de quoi donc rassurer les banquiers.
Autre piste, annoncée
cette semaine par la Lettre A, qui verrait Philippe Hersant racheter les
20% des actions que GHM détient dans Edition Suisse Holding, un petit
groupe de presse helvète très rentable, de 75 millions d’euros de CA
dont
il détient à titre personnel
les 80 % restant. Cette opération pourrait rapporter entre 10 et 15
millions d’euros à GHM. A condition que Hersant trouve le cash pour
financer cette opération. Et les banquiers, y compris, suisses ne sont
évidemment pas hyper chauds pour financer ce type de montage.
J3M à la manoeuvre
Le
dernier des scénarios et le plus probable aujourd’hui serait que Rossel
rachète directement à GHM son pôle Est (l’Union de Reims, l’Est Eclair,
l’Aisne Nouvelle), puis l’apporte ensuite à la société commune avec
GHM, ce qui amènerait du cash immédiatement pour désendetter le groupe
Hersant. Plus en confiance grâce à ce premier chèque, les banquiers
pourraient alors également accepter aussi d’échanger leur dette contre
du capital de la nouvelle société. Dans ce cas de figure, Hersant se
trouverait alors minoritaire dans le tour de table, et perdrait
définitivement le contrôle de l’ensemble après en avoir déjà abandonné
le management. Un scénario que veut absolument éviter Philippe Hersant,
et qui compte sur la légendaire créativité financière de son banquier
Messier, pour essayer de sauver ce qui peut encore l’être.
Les
Belges sont en position de force et ils le savent, et veulent aller vite
car ils ont vu tourner de très grands oiseaux sombres ces derniers
jours autour de la rue de Presbourg, siège parisien de GHM. Comme David
Montgomery par exemple, l’ancien patron du fonds d’investissement
anglais spécialisé dans les médias locaux
Mecom, qui cherche à monter un tour de table pour racheter GHM, si l’opération belge n’aboutissait pas.
Bon
courage donc à Jean-Marie Messier qui après avoir été surnommé J2M,
puis J6M ( Jean-Marie Messier Moi-Même Maitre du Monde) , peut
aujourd’hui se faire appeler J4M, pour Jean-Marie Messier of Marseille,
car en parallèle du dossier GHM, le banquier est aussi en train d’aider
la CMA CGM, autre grand employeur marseillais, à essayer de se sortir de
la nouvelle tempête financière et économique qui fait de nouveau rage
quai d’Arenc. Mais ça c’est une autre histoire, à suivre aussi
prochainement sur Marsactu.
La carte des journaux de métropole du Groupe GHM, cliquer sur les
points ( en bleu les titres rentables, en rouge ceux en pertes) pour
connaitre leurs chiffres de diffusion et de CA :