POLYNÉSIE. LE PLUS VIEUX QUOTIDIEN DU FENUA BAISSE LE RIDEAU
L’ADIEU À UNE INSTITUTION
Les Nouvelles de Tahiti, le plus ancien quotidien de Polynésie française, ont paru pour la dernière fois vendredi. Le groupe Média Polynésie, qui en est propriétaire depuis le mois dernier, invoque la mauvaise santé économique du titre.
La dernière une de nos confrères des Nouvelles de Tahiti.
LNT
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«Dans la croyance populaire maohi, le papillon est porteur de nouvelles. Demain, il n’y aura plus de nouvelles; qu’elles soient bonnes ou mauvaises, qu’elles plaisent ou non, qu’elles soient pertinentes ou pas. Nous n’aurons donc plus de papillon à notre portail à cinq heures du matin. Nous ne nous battrons plus pour le lire à la lueur de l’aube puisque ses ailes auront cessé de battre. Il ne provoquera donc plus de raz-de-marée à l’autre bout de l’archipel ou dans les entrailles de ceux qui pourront enfin dormir tranquilles la nuit », c’est par ces mots que l’écrivain polynésien Philippe Temauiarii Neuffer, exprimait jeudi sa tristesse. Car c’était un jour bien triste pour la rédaction des Nouvelles de Tahiti et pour de nombreux Polynésiens. Le plus ancien quotidien de Polynésie, qui paraissait depuis 1957, a imprimé sa dernière édition. A partir des années 80, il était devenu, par périodes, un contre-pouvoir, avant d’être acheté puis revendu par le groupe France-Antilles, dit groupe Hersant. Les nouveaux actionnaires du groupe Média Polynésie affirment fermer le quotidien pour des raisons économiques. Selon eux, il aurait cumulé « 400 millions de francs Pacifique de dettes », soit 3,3 millions d’euros. L’arrivée sur le marché d’un nouveau quotidien gratuit, Tahiti-Infos, et le développement de l’offre d’information sur Internet ne laissaient pas présager d’amélioration des ventes.
JPK. Mais les journalistes y voient également la conséquence de pressions politiques, le journal ayant égratigné le gouvernement local à de nombreuses reprises. Le quotidien était réputé pour ses scoops politiques ou judiciaires. C’est par exemple ce journal qui avait révélé les accords secrets du 7 juillet 2007 entre Gaston Flosse et Oscar Temaru, deux adversaires politiques de toujours. En avril 1988, le journal avait également publié un numéro spécial très critique sur Gaston Flosse. Celui qui était alors président de la Polynésie française, ce qu’il est redevenu depuis, avait obtenu la saisie de tous les exemplaires. Le rédacteur en chef des Nouvelles de l’époque, Jean-Pascal Couraud, dit « JPK », avait été licencié peu après. Il avait disparu dans des circonstances non élucidées en 1997. Média Polynésie est le principal groupe de presse polynésien. Il est propriétaire de La Dépêche de Tahiti, le quotidien local le plus vendu. Il détient également plusieurs hebdomadaires et mensuels, une régie publicitaire et les licences des radios NRJ et Rires & Chansons.
Salariés. Média Polynésie a assuré que les salariés seraient répartis sur les autres titres du groupe, sans convaincre tous les journalistes. « C’est un coup de massue pour la liberté d’expression : maintenant il reste La Dépêche qui ne fait pas de vagues, et Tahiti-Infos qui est tenu par le FN », a regretté un ancien journaliste des Nouvelles. Un autre dénonce « une mise à mort et un avertissement aux autres journalistes ». Le nouveau gérant du groupe Média Polynésie, Pierre Marchesini, avait indiqué dès son arrivée qu’il interdirait la publication des gardes à vue ou des mises en examen, suscitant l’indignation des journalistes. Pour leur 16 602e numéro, Les Nouvelles de Tahiti ont prévu une dernière Une noire, simplement barrée de deux dates : 26 avril 1957 - 23 mai 2014. La naissance et la mort d’un quotidien d’information.
16 602
Entre le 26 avril 1957 et le 23 mai 2014, il y aura eu 16 602 éditions du quotidien.
Les Nouvelles Calédoniennes en danger,
la conscience des journalistes aussi
Paris, dimanche 24 mars 2013
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) soutient sans réserve le mouvement de grève entamé mardi 19 mars par les journalistes des Nouvelles calédoniennes, quotidien du Groupe Hersant Media (GHM), dont le Groupe Bernard Tapie est devenu actionnaire à 50%. Après avoir effacé par miracle une dette de 215 millions d’euros, le nouvel attelage s’apprête à vendre ce journal à des hommes d’affaires locaux, pour un montant qui dépasserait les 16 millions d’euros. L’entrée en négociations exclusives est prévue ce lundi 25 mars.
Face à des repreneurs proches du pouvoir politique local, nos confrères de Nouvelle-Calédonie, soucieux du maintien d’une ligne éditoriale indépendante, ne font que valoir leurs droits en demandant la garantie de l’ouverture de la clause de cession à l’issue de cette vente.
Au mépris du sort de ses salariés, GHM profite d’un vide juridique sur le statut des journalistes en Nouvelle-Calédonie pour leur contester ce droit fondamental de la presse française. Ceci alors même que sa filiale calédonienne, dont GHM est propriétaire depuis 1987, est adhérente au Syndicat national de la presse quotidienne régionale et a bénéficié à ce titre d’aides à la modernisation de la part de l’Etat. Les journalistes des Nouvelles calédoniennes s’apprêtent à saisir le Premier ministre et le ministère de la Culture et de la Communication à ce sujet.
Le SNJ soutient aussi la demande d’ouverture de la clause de cession des journalistes de cette filiale de GHM, consécutive à l’entrée à 50 % du groupe Bernard Tapie dans son capital. De même, il soutiendra toute demande similaire de la part des journalistes de La Provence et de Nice-Matin.
Faisant fi du droit et de la jurisprudence, Bernard Tapie et Dominique Bernard, directeur général de GHM, prétendent aujourd’hui que ses conditions d’application ne sont pas réunies.
Enfin, le SNJ annonce qu’il oeuvrera en faveur de la création d’un véritable statut de la presse en Nouvelle-Calédonie, territoire français dont les journalistes relèvent aujourd’hui de la convention collective du commerce, et dont la déontologie de la profession est seulement régie par d’éventuels accords d’entreprise, au bon vouloir des propriétaires de presse !
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